Pour en avoir le coeur net

Sans être complètement surprise par le fait que l’homme était un policier, Kathryn fût tout de même un peu attristé par ce fait. Elle lui trouvait une gueule d’acteur vraiment génial pour le rôle de Bill.

-Dommage, vous lui ressembliez tellement pourtant, dit-elle plus pour elle que pour lui.

Elle haussa les épaules et saisit sa bouteille d’eau, prête à partir. Elle n’avait aucune envie de rester plus longtemps dans cet endroit étrange, surtout si les membres des forces de l’ordre étaient aussi louches. Elle se demanda un instant si elle était en train de rêver lorsqu’il évoqua le fait qu’il pourrait l’arrêter pour agression verbale envers un policier. Il bluffait, c’était évident. Elle retint un «vous vous foutez de ma gueule» bien sentit et leva un sourcil. C’était un vrai connard ce type. Entre lui et elle, c’était bien lui qui devrait se retrouver en tôle pour une nuit. Cela l’aiderait à réfléchir sur le sens de sa vie. Elle se garda bien de lui mentionner.

Elle aurait voulu lui répondre une réplique cinglante, mais elle manqua de tomber sur le sol lorsqu’il «proposa» qu’elle le suive sur un ton plus qu’évocateur. Elle n’en revenait tout simplement pas. Elle ouvrit la bouche avant de la pousser, un peu agressivement.

-Vous êtes malade!, s’écria-t-elle. Vous vous approchez de moi et je porte plainte, espèce de dégénéré!

Sans attendre, elle se dirigea vers la porte, qu’elle repoussa avec violence. Elle n’aurait pas dû s’arrêter dans cette ville. Si elle avait su, elle aurait continué son chemin et serait tout simplement morte de soif. Kathryn était enragée. Dire qu’elle avait comparé son connard à son William! Où avait-elle la tête? Elle déverrouilla sa portière avec rage et s’installa derrière son volant. Elle savait que l’idéal était qu’elle tente de relaxer avant de poursuivre sa route, mais elle voulait partir. Elle tourna la clé et… rien. Elle recommença. Toujours rien. Son esprit se vida subitement. Elle vivait décidemment la pire journée de sa vie.

Elle ressortit de sa voiture et ouvrit le capot, se concentrant sur son moteur, ignorant si le supposé policier était sorti ou non. Elle n’allait pas lui parler de toute façon, alors aussi bien l’ignorer. Elle retint un soupir en regardant son moteur. Elle n’y connaissait que peu de choses, apprises par un ex-copain trop bavard. Elle pouvait se débrouiller, mais au premier coup d’oeil, tout semblait parfait. Elle savait qu’elle avait assez d’huile et que… Elle pencha la tête sur le côté et fronça les sourcils. Elle se déplaça sur le côté et observa plus attentivement deux fils qui avaient été sectionnés. Outrée, elle se redressa et regarda autour d’elle.

-Qui est le salaud qui a fait ça?! Montrez-vous si vous n’êtes pas des lâches!

On avait saboté sa voiture! Finalement, c’était vraiment la pire journée de sa vie. Elle secoua la tête en se mordant la lèvre. Elle avait envie de hurler. Elle jeta un oeil à sa montre. Il était tard. Aucun garagiste n’était ouvert à cette heure et elle n’avait pas assez d’argent liquide sur elle pour en convaincre un. Elle retourna à l’intérieur de sa voiture et saisit son téléphone portable, pour découvrir que le signal ne passait pas jusqu’ici. Elle soupira et posa sa tête sur le volant, complètement découragée.

Kathryn était complètement déconnectée de la réalité. En fait, elle se foutait royalement des événements qui pouvaient se dérouler autour d’elle. Alors, lorsque le pseudo policier en manque d’attention eut ouvert sa portière et lui tira le bras, elle fut bien tenter de saisir sa bombonne de poivre de Cayenne et de lui asperger le visage. Elle ne prit que quelques secondes à réaliser que la voiture près de la sienne était en flamme. Elle se laissa traîner dans le commerce d’où elle venait de sortir, en se débattant légèrement. Si la voiture explosait, elle risquait d’abîmer sa voiture à elle, ainsi que ses bagages. Il y avait son ordinateur portable dans cette voiture, un bien des plus importants pour elle.

Elle était cependant conscience du danger et resta sagement à l’intérieur du commerce, priant comme jamais un dieu en lequel elle ne croyait pas de bien vouloir épargner sa voiture ainsi que ses affaires. Il ne fallait pas être bien idiot pour réaliser que deux voitures, l’une à côté de l’autre, éprouvant des «problèmes» bizarres était plus qu’étrange. Qu’on attaque la voiture d’un policier, cela pouvait presque être normal, mais pourquoi attaquerait-il également la sienne? Elle n’avait rien fait pour mériter cela et si personne ne voulait la voir dans cette ville, il n’avait qu’à la laisser partir, elle ne serait pas revenu.

Elle hocha la tête lorsque le policier lui dit qu’elle devrait dormir avec lui, ou du moins dans la même chambre que lui. Il était hors de question que cela se produise.

-Je vais trouver un téléphone qui fonctionne et je vais appeler quelqu’un pour qu’il vienne me chercher.

Elle s’éloigna du policier, l’ignorant de nouveau. Un début de migraine se faisait sentir et une envie pressante de simplement dormir ou s’étendre la prit. Elle devait relaxer, mais dans les circonstances actuelles, c’était plus qu’impossible. Elle manqua de s’étouffer lorsque le commerçant, quelque peu paniqué à la vue de la voiture incendié face à son commerce, lui apprit qu’il n’avait pas le téléphone. Qu’en fait, il ne devait pas y avoir de téléphone en service dans les environs. La ville avait été construite hors des réseaux téléphoniques et l’État n’avait pas jugé bon de faire poursuivre le réseau pour quelques âmes perdues au milieu de nulle part.

Kathryn serra les dents, de rage et de découragement. Elle retourna près du policier pour regarder les flammes qui semblaient ne pas vouloir mourir.

-Je n’irais nulle part avec vous tant que je ne récupérerais pas mes affaires dans ma voiture, dit-elle sur un ton plus que catégorique.

Elle pensait à son sac de voiture et son ordinateur portable sur le siège arrière de la voiture et au deuxième tome de son roman qui reposait sur le siège passager.

Erik observait sa voiture, cherchant une réponse, un indice, même si tout allait bientôt partir en fumée. Il fronça les sourcils. Un instant. La sienne, sa voiture aussi avait certainement été endommagée, sinon elle aurait démarrée bien plus rapidement. C’était plus subtile, mais il pouvait certainement y avoir quelque chose qui lui indiquerait ce qui s’était passé, quelle genre de personne avait fait ça. Un gamin? Un homme? Une femme? Vu le feu, il ne pouvait pas savoir, ce pouvait être n’importe qui. Mais peut-être que la voiture de l’autre femme lui donnerait des indications. Il devait prendre une décision rapidement, plus de temps il passait ici, plus il en perdait et il risquait sa peau si il sortait. L’ancien policier n’accorda que très peu d’importances aux paroles de l’écrivaine. Elle voulait trouver un téléphone. Bonne idée tient, mais lui il ne comptait pas quitter cette ville. Non, que sa voiture ai été sabotée de cette façon expliquait très bien que quelque chose se passait ici. Et bon sang, il avait vraiment envi de savoir ce que c’était. Par contre, il ne se décidait pas à sortir. Oui quoi, il avait peur. Il avait toujours peur depuis son maudit coma. Il sortit de ses pensées lorsque Kathryn vint lui annoncer qu’elle n’irait nulle part sans ses affaires dans sa voiture. Il haussa les sourcils, il commençait à la trouver chiante cette là! Mais c’était le coup de pouce qui lui fallait! Vous savez, cette petite poussée dans le dos qui vous encourageait à agir? C’était exactement ça. Mais le problème c’était qu’un policier ne devait pas avoir besoin de ce genre de chose.

Sans prononcer un mot, il franchit rapidement la porte et se dirigea vers la voiture de la jeune femme. Il entra dans cette dernière et fouilla rapidement à la recherche de ce qui pouvait la retenir là. Ce pouvait être n’importe quoi, il ne disait pas qu’il avait la moindre chance de trouver mais…
Peut-être finalement
« Bingo! » s’exclama-t-il triomphant.
Bon maintenant il devait foutre le camps de là! Si sa voiture explosait, ce qui risquait fortement d’arriver, il ne devait plus se trouver aussi près. Il ouvrit la portière puis songea à ce qu’elle lui avait dit. Il se tourna et agrippa rapidement tout ce qui trainait sur le banc arrière. Il fit tout cela assez vite puis il revint dans le dépanneur. Il lui tendit ses choses en jetant un regard vers ce qu’il venait de rapporter, remarquant rapidement un livre qu’il était en train de lire lui-même.

« AH! Vous auriez dû laisser bruler ça, vu la fin merdi… »
Il fronça les sourcils, se retenant de laisser sortir une connerie lorsqu’il remarqua le portable, et les feuilles… Tout le nécessaire pour écrire. Il venait d’avoir une sorte de pressentiment. Ce n’était pas possible. Il la fixait, les yeux ronds et il ajouta rapidement :
« M … Mais j’adore le livre!! J’adore le lire … Mais avouez que la fin, elle est chiante! »
Bien que ce n’était peut-être pas vraiment plus intelligent, mais c’était un bon livre, la fin était choquante. Et puis, en disant cela il ne l’a prenait pas pour qui elle n’était peut-être pas en fait. Les joues rougis, il ne savait plus que dire, il avait la mauvaise impression de s’être réellement mit dans la merde en ce moment.

Kathryn savait qu’elle agissait comme une gamine gâtée extrêmement chiante. Ce n’était pas un trait de sa personnalité qui apparaissait très souvent, mais c’était le stress qui la faisait agir de la sorte. La peur de rester coincé dans cet endroit du bout du monde sans avoir le moindre objet personnel avec elle. Elle exagérait la situation, elle le savait. Elle ne resterait pas coincée toute sa vie dans cette ville étrange dont elle ignorait même le nom, ne s’y étant pas attardé sur les indications avant d’entrer dans la ville, mais cela la rassurait d’avoir ses effets avec elle.

Elle ne s’attendait pas à voir le policier sortir du commerce pour aller chercher ses bagages. À l’entrain qu’il semblait avoir, on aurait presque juré qu’elle venait de lui dire que son bébé était toujours dans son siège à l’arrière de la voiture. Ce n’était que de simples bagages, qui lui tenaient tout de même à cœur, qu’elle voulait avoir. Tout de même un peu inquiète de voir l’homme risqué ainsi sa vie pour une inconnue, Kat se demanda un instant si elle ne l’avait pas mal jugé. Oui, il était un arrogant et un connard de première, mais il semblait aussi dévoué. Et ça, c’était de plus en plus rare de nos jours. Décidemment, il ressemblait de moins en moins à Bill. William ne se serait pas jeté dans le danger si cela n’avait pas été complètement nécessaire. Il était plus du genre passif.

Le policier finit par revenir avec ses effets personnels, lançant un petit commentaire sur le fait qu’elle aurait dû laisser le livre brûlé vu la fin merdique. Il n’avait pas terminé sa phrase, mais il était évident que c’était ce qu’il avait voulu dire. Un peu surprise, elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais décida de ne rien dire. Il semblait avoir réalisé qu’il venait peut-être de faire une gaffe. Elle ne se serait jamais attendue à ce que cet homme sache lire, alors qu’il lise ses romans, jamais! Et certainement pas qu’il se rende compte aussi rapidement qu’il avait peut-être affaire à l’écrivaine du soi-disant roman à la fin merdique.

Si Kathryn usait d’un pseudonyme pour écrire, c’était qu’elle ne voulait pas se faire reconnaître. Bien qu’il avait visé juste, elle n’allait pas pour autant valider l’information avec lui. Elle ne le connaissait que depuis quelques minutes à peine et les chances qu’elle le croise de nouveau après la journée de demain étaient quasi nulles.

-Effectivement, j’ai été très déçue de la finale. J’ai bien hâte de pouvoir lire la suite, bien qu’on dirait qu’elle ne sera jamais écrite. Si ça se trouve, l’auteur a fait une dépression et a décidé de ne jamais écrire la suite, dit-elle calmement, sur un ton tout de même sermonneur.

Elle récupéra son sac ainsi que son ordinateur portable, rangeant son livre dans son sac pour le faire disparaître de la vue de l’homme, comme pour clore la discussion.

-Alors, il est où ce motel. Il semblerait que je doive passer la nuit ici, alors je devrais aller prendre une chambre…

L’ancien flic n’avait pas agit en chevalier blanc sur son fidèle destrier pour sauver les affaires personnelles de la jeune femme. Déjà il la trouvait un peu chiante. Non, c’était dans l’unique but de mener sa petite enquête, savoir qui aurait bien pu saboter ainsi leur unique moyen de transport. Mais sincèrement, il se demandait réellement ce qui avait bien pu faire toute cette merde. Plus pratique, les fils de la voiture de Kathryn avaient été arrachés. Mais malheureusement, sans l’aide d’un mécanicien, c’était impossible de tout remettre en place. Et la voiture d’Erik avait été, tout simplement enflammée. Visiblement l’on ne voulait pas les voir partir. Ou bien c’était les méfaits de quelques adolescents qui s’ennuyaient fermement dans cette ville…Il les comprenait dans ce cas, si personne ne parlait jamais dans cette ville, songea-t-il en jetant un regard au commerçant qu’il vaguait à ses activités quotidiennes sans se préoccupés des deux touristes, ni de la voiture enflammée. Il semblait nerveux, mais sans plus de réaction.

Le policier en vint pratiquement à sursauter lorsque Kathryn s’adressa à lui. Elle justifia la fin par le fait que l’auteure avait peut-être fait une dépression qui l’empêchait d’écrire la suite. Il rigola un peu et ajouta, du tact au tact :
« Dans ce cas, elle nous ferait tous devenir fou si il ne devait pas y avoir de suite! »
Ça ne pouvait quand même pas se terminer ainsi, c’était impossible… et frustrant surtout! Mais bon, il se surprenait quand même à discuter calmement d’un livre alors que sa bagnole était en train de tomber en morceau. Il haussa les sourcils et se dit qu’il ne pouvait pas faire grand-chose, que s’énerver ne servait à rien, et qu’au fond cela ne ferait que le pousser à rester ici, mener tranquillement son enquête. Cela ne pouvait que lui changer les idées. Lorsque la jeune femme lui demanda où était le motel, il lui accorda un mince sourire et reprit les sacs qu’il avait reposé par terre.
« Il n’est pas très loin, je suis passé devant en arrivant. » dit-t-il simplement et calmement.

L’Américain regarda autour de lui et trouva la porte de secours, question d’éviter la sortie près de la voiture. Il fit signe à Kathryn de le suivre, ils s’éclipsèrent rapidement du petit dépanneur miteux, prenant la direction du Motel qui n’était qu’à quelques pas. Quelques pas pour se rendre à un endroit minable, délabré… dégoutant. Le problème était qu’ils n’avaient pas tellement le choix. Erik n’avait rencontré rien d’autre, et puis il commençait à être tard tout de même…
« Je sens que la nuit va être longue… » dit-t-il en soupirant d’un air contrarié. Il jeta un coup d’œil à la jeune femme et entra dans l’établissement. Ils furent accueillit par un homme à l’aspect aussi laissé aller que l’endroit. Il semblait hagard, énervé par la présence des inconnus. Il leur lança rapidement :

Je n’ai plus de chambre! Partez d’ici!

Il semblait observer nerveusement la porte, comme si quelqu’un d’autre allait entrer. Il semblait croit que les deux humains avaient été suivit. Erik lui trouva une attitude très suspecte. Mais visiblement cela semblait normal ici. Le policier commençait d’ailleurs à s’énerver, c’était un motel bordel, il n’allait quand même pas lui faire gober qu’à ce temps ci de l’année, toutes les chambres étaient prises. Il vint pour répliquer, mais déjà l’homme les bousculait sans délicatesse vers la sortie. Vraiment, Erik commençait réellement à s’énerver. Avant qu’ils ne soit rendu à l’extérieur, il sortit finalement son arme qu’il dirigea contre la tête de l’homme.

« Nous voulons seulement une chambre, ce n’est pas votre boulot? » lança-t-il entre les dents. D’un air calme et pourtant bien énervé.
L’autre homme se figea, observa l’arme quelques secondes puis lança qu’il ne lui restait qu’une seule chambre. Il se dirigea vers le bureau, sortit une clé qu’il balança au flic et sans ajouter un mot de plus il disparu rapidement derrière une porte. L’ancien flic soupira et se tourna vers Kathryn.

« Je ne lui aurait pas tiré dessus… Jugez par vous-même. »
Il lui balança l’arme sans faire attention. Au poids, même pour quelqu’un qui ne s’y connaissait pas, il était évident qu’elle n’était pas chargée. Les chargeurs étaient dans sa voiture malheureusement.
« Et bien, je crois que vous allez devoir dormir avec moi finalement! » Dit-t-il en souriant moqueusement. Il baissa les yeux vers le numéro de porte sur la clé et se dirigea vers leur chambre…